Longtemps vendu comme un projet stable et en progression constante, le Stade Rennais semble aujourd’hui freiné dans son évolution par une succession de résultats et de décisions qui fragilise son équilibre et qui ont une influence directe sur les résultats de l’équipe.
Au sortir d’une saison 2022-2023 réussie sur le plan comptable ( 68 points, record dans l’histoire du club ), le Stade Rennais, qualifié pour la Ligue Europa, ambitionne désormais plus haut. Florian Maurice, directeur sportif affiche la volonté claire durant l’été, de se qualifier à l’issue de la saison qui suit pour la Ligue des Champions.
Malheureusement, les résultats sur le terrain ne suivent pas et l'entraîneur Bruno Génésio, fragilisé, décide de quitter le club à l’automne après presque 3 ans de bons et loyaux services. Sous la houlette de Julien Stéphan revenu au club, les Rouges et noirs retrouvent des couleurs en janvier et février en enchaînant une belle série d'invincibilité qui prend fin par une défaite cuisante à San Siro en 16ème de finale aller de Ligue Europa. Une semaine après, dans un Roazhon Park en fusion les Rennais réalisent l’exploit de battre l’AC Milan 3-2, résultat malheureusement insuffisant pour éliminer les rossoneris. La fin de saison en championnat est plus délicate. A l’issue du match nul 1-1 contre le RC Lens lors de la 33ème journée, les rouges et noirs ne peuvent mathématiquement plus se qualifier en Coupe d’Europe pour la saison suivante, une première depuis 2017. Ils finissent à une décevante 10ème place.
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L’intersaison est marquée par un grand nombre de départs qui fragilise l’effectif. Les transferts de Benjamin Bourigeaud et Martin Terrier, légendes du club, sont des coups durs pour le Stade Rennais. Pour pallier ces départs, le nouveau directeur sportif Frédéric Massara, débarqué d'Italie, mise sur un mercato très international. Il recrute des jeunes joueurs avec un bon potentiel de développement comme Henrik Meister ou Carlos Andres Gomez. Malheureusement, ce pari s’avèrera désastreux. Orphelins de ses cadres, le Stade Rennais vit une saison plus que compliquée. Les joueurs n’arrivent pas à trouver leur place au sein du club. La défense qui était déjà un secteur pointé du doigt lors de l’exercice précédent s’est encore affaibli. Hans Hateboer et Leo Ostigard, ayant respectivement 30 et 25 ans, devaient amener de l’expérience au sein de ce jeune effectif mais leur insuffisance sur le terrain a participé à la fragilisation de l’équipe.
Après une lourde défaite sur le score de 4-0 à Auxerre, Julien Stephan est limogé. Remplacé par le tempétueux Jorge Sampaoli, le club continue de couler. Après seulement 2 mois au club, l'entraîneur argentin qui ne parvient pas à atténuer la crise est à son tour remercié par les dirigeants rennais. Le Stade Rennais est à ce moment-là barragiste du championnat et traverse une crise historique au 21ème siècle.
Pour relever le club, Habib Beye est appelé à diriger l’équipe. C’est une première sur le banc d’un club de Ligue 1 pour le coach francilien. Il dirige son premier match contre Strasbourg le 2 février et son équipe parvient à décrocher les 3 points grâce à une réalisation de Ludovic Blas. Lors de cette seconde partie de saison, les Rouges et noirs renforcés par l’arrivée de Brice Samba et Seko Fofana redressent la barre en championnat. Ils obtiennent des victoires décisives contre Montpellier, Saint-Etienne, Reims, Nantes, Le Havre ou encore Angers leur permettant de se maintenir. Le club finit 12ème et évite ainsi la catastrophe. Mais le constat est sans appel à la fin de la saison, le Stade Rennais a chuté et a failli sombrer. Il sort de cet exercice avec plein de doutes et peu de certitudes.
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Prolongé automatiquement à l’issue de la saison comme son contrat le stipulait, Habib Beye a eu tout l’été pour construire un effectif qui lui convenait et semble aujourd’hui satisfait de l’équipe qu’il a entre les mains. Mais le début de saison semble aller dans le sens inverse de ses déclarations. Auteur de victoires étriquées contre Marseille et Lyon, les rouges et noirs n'ont cependant pris que 4 points face à Lorient, Lens, Angers, Nantes et Le Havre. Au-delà des résultats, ce sont surtout les scénarios qui frustrent. Les rouges et noirs semblaient avoir le match en main contre ces 3 dernières équipes en menant au score à la mi-temps. Mais les joueurs beaucoup trop fébriles et attentistes en seconde mi-temps ont à chaque fois laissé passer des points précieux qui s’avèreront sans aucun doute décisifs en fin de saison. De plus, la différence entre les messages que Habib Beye passe devant la presse et la réalité du terrain commence à tendre de plus en plus le public, qui l’a bien fait entendre en parcage à l’issue de la rencontre face au Havre. Le sort de Habib Beye pourrait être scellé très prochainement en cas de nouvelle contre performance en Bretagne.
Les mauvais résultats du Stade Rennais peuvent également être expliqués par l’instabilité qui règne depuis plusieurs mois au sein de l'organigramme.
Cette instabilité a commencé par le départ de Bruno Génésio à l’automne 2023. Arrivé en 2021, il formait un trio efficace avec le Président Olivier Cloarec et le directeur sportif Florian Maurice. Cette stabilité avait permis au club de réaliser les meilleurs résultats de son histoire et de faire émerger des top joueurs européens comme Doué, Guirassy, Aguerd ou encore Terrier. Mais miné par des résultats en dent de scie au début de l’exercice 2023-2024, Bruno Génésio a préféré de manière tout à fait légitime quitter le navire.
La famille Pinault, suite à ce départ, a poussé en interne pour faire revenir sur les bords de la Vilaine, Julien Stéphan, ancien entraîneur du club entre 2018 et 2021 et auteur de la victoire en Coupe de France en 2019. Ce dernier qui avait laissé entendre quelques mois auparavant en interview qu’il aimerait un jour revenir à Rennes, a accueilli la mission les bras ouverts après son passage à Strasbourg. Il ne tiendra cependant qu’un an. A partir de ce moment-là, Olivier Cloarec et Florian Maurice ont senti le vent tourner. Jugé responsable de la saison décevante 2023-2024 et ne sentant plus aucun soutien au sein du club, ce dernier a plié bagage durant l’intersaison et est parti à l’OGC Nice dans la foulée. Il est remplacé par Frédéric Massara qui sera à son tour évincé un an plus tard. Dans le même temps, les Pinault ont procédé à une réorganisation du conseil d’administration en plaçant notamment des proches à l’intérieur de ce dernier. Alban Gréget, proche de François Henri Pinault a remplacé Jacques Delanoë à la tête du conseil d’administration et son fils Pierre Tronson l’a rejoint.
Dernière pierre du trio d’antan, Olivier Cloarec a quitté la présidence à l’automne 2024 et a été remplacé par Arnaud Pouille à la tête du club. Ancien président du RC Lens, ce dernier a poussé pour faire venir Brice Samba et Seko Fofana en Bretagne lors du mercato hivernal en leur offrant un salaire important.
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Les entraîneurs au Stade Rennais se sont succédés en l’espace de deux ans ( Génésio, Stephan, Sampaoli, Beye ) au gré des mauvais résultats. Dans le même temps, les directeurs sportifs ont suivi la même tendance ( Florian Maurice, Frédéric Massara, Loïc Désiré ) ne permettant pas au club de se stabiliser.
Aujourd’hui le club semble plus divisé que jamais. Le pouvoir est morcelé entre le clan des Pinault, celui des ex lensois, et Habib Beye qui semble bien seul dans cette histoire. Ces minis guerres d’ego empêchent le club de performer. Un conflit s’est même ouvert entre Beye et ses deux cadres Samba et Fofana à la suite du match contre Lens. Cela accumulé aux dernières performances pourrait potentiellement mener à la perte de l'entraîneur. Personne ne semble aller dans la même direction. C’est un sentiment qui est extrêmement frustrant quand on voit le potentiel du club. Le centre de formation vit ses meilleures années, le propriétaire est fidèle et unique dans un contexte où la multipropriété efface de plus en plus l’identité des clubs, et le public répond toujours présent Route de Lorient malgré les frustrations qui s’accumulent.
Il est donc nécessaire et urgent que le club rétablisse des relations saines entre l’ensemble des membres qui le constitue, pour retrouver l’équilibre qui a contribué à son succès par le passé.
Axel LECHARTIER